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Champignon
géant : un mystère de 400 millions d'années résolu
article de Grégoire Macqueron, Futura-Sciences,
17 février 2010
La nature de Prototaxites,
l’étrange fossile géant du Dévonien, serait enfin établie. Ni
champignon géant, ni algue géante. Ce serait en fait... un matelas
de mousses, de champignons et de cyanobactéries enroulé par le vent
ou l’eau. Cette clarification appuie aussi l’hypothèse de
l’ancienneté de certaines caractéristiques des végétaux.
En 1859, un étrange tronc fossile
datant du Dévonien (-400 à -300 millions d’années) était découvert.
Problème, il n’y avait pas encore d’arbre à cette époque. La Terre
était alors parcourue de petits animaux dans un décor de bryophytes
(mousses), de ptéridophytes (fougères) et de progymnospermes
(groupe-frère des plantes à graines, disparu aujourd’hui).
Les fossiles de Prototaxites ressemblent à des troncs pouvant
atteindre 8,8 m de long pour 1,37 m de diamètre. Ils faisaient donc
partie des plus grands organismes du Dévonien. Ces troncs montrent
une anatomie tubulaire, sans embranchement, ni septes, avec une
disposition en cercles concentriques à la manière des cernes des
arbres.
La nature isotopique des tissus fossiles suggère que Prototaxites
faisait preuve d’hétérotrophie, ce qui va à l’encontre d’une nature
végétale mais soutient l’hypothèse qu’il s’agissait d’un champignon
géant. Le rapport des isotopes 12 et 13 du carbone apporte en 2007
un argument de plus à cette hypothèse.
Deux problèmes subsistaient, le manque de matière organique sur
cette terre dévonienne pour nourrir un champignon d’une telle taille
et l’absence de spores, preuves de sa reproduction. A moins que cela
ne soit un lichen géant, qui aurait tiré une partie de ses
ressources de la photosynthèse…
Prendrait-on des matelas de mousses pour des champignons géants ?
L’équipe de Linda Graham de la Botanical Society of America propose
une autre hypothèse. Elle suggère que ces fossiles sont des matelas
mal décomposés d’une bryophyte de la famille des marchantiales,
associée à des champignons et des cyanobactéries.
De tels matelas existent de nos jours et peuvent êtres enroulés par
la gravité, le vent ou l’eau.

La bryophyte Marchantia polymorpha, une
mousse primitive
Pour tester cette
hypothèse, les scientifiques ont recréé les conditions
environnementales déduites du contexte climatique chaud à influence
volcanique dans lesquelles Prototaxites se serait développé. Ils y
ont ensuite fait croître un matelas de Marchantia polymorpha avec
des champignons et des cyanobactéries sur un milieu à base de
glucose, avant de l’enrouler.
Puis ils ont comparé la structure de ce rouleau avec celle d’une
tranche de l’énigmatique fossile. « Nous étions très excités quand
nous avons vu à quel point l’ultrastructure de nos rouleaux de
rhizoïdes d’hépatiques était similaire aux images de tubes de
Prototaxites publiées en 1976 par Rudy Schmid » déclare Linda
Graham.
En effet, les structures anatomiques externes et internes, ainsi que
les données nutritionnelles ont de nombreuses similarités :
Cercles concentriques du rouleau des rhizoïdes de marchantiale
(structures des bryophytes évoquant des racines) et du « tronc »
fossile ;
Anatomie tubulaire des hyphes de champignon et des filaments de
cyanobactéries et du « tronc » ;
Présence de polymères végétaux ;
Preuve de mixotrophie (autotrophie et hétérotrophie) dans les
rapports isotopiques du carbone, dont moins de 20% est d’origine
atmosphérique.

Les similarités entre un rouleau de
marchantiales et Prototaxites.
En A et B, un rouleau partiellement décomposé. En C et D,
aperçus de coupes transversales montrant les anneaux concentriques
et les tubes de rhizoïdes, hyphes et filaments dont l’apparence
est proche des tubes d’une coupe transversale de Prototaxites (en E)
La démonstration de
l’équipe de Graham tend à prouver que Prototaxites était bien un
artefact, un matelas enroulé d’une association de mousses hépatiques
(marchantiophytes), de champignons et de cyanobactéries et non un
champignon ou un lichen géant.
Ces travaux démontrent en outre que les marchantiophytes étaient une
composante des écosystèmes du Dévonien et que la mixotrophie et les
associations microbiennes sont des caractéristiques végétales
anciennes, et non des évolutions récentes.
Ainsi se clôt dans la revue American Journal of Botany un mystère
botanique de 400 millions d’années...

Reconstitution possible de
l’environnement et de la formation des fossiles de Prototaxites.
Les matelas de mousses de champignons et de cyanobactéries ont pu
s’enrouler sous l’influence de la gravité, du vent ou de l’eau,
avant de se déposer
dans des eaux peu profondes et, lentement, de se fossiliser.
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